A propos de la "constante macabre"
Je viens de lire l’ouvrage d’André Antibi « la constante macabre ». L’auteur y expose la constatation suivante : quel que soit le niveau réel de la classe, les enseignants se sentent, plus ou moins consciemment, obligés d’étaler leurs notes de façon «convenable», c’est-à-dire en respectant une courbe de Gauss centrée autour de 10/20. Ainsi, même dans la meilleure classe du meilleur établissement, il y aura toujours une proportion non négligeable d’élèves qui recevront une mauvaise note, non pas parce que leur performance est mauvaise, mais parce qu’elle est inférieure à celle des autres élèves de la classe. C’est cette proportion que l’auteur appelle la « constante macabre ». Cette pratique contribue à décourager et à démotiver des élèves de niveau pourtant très correct. L’auteur admet qu’il est difficile de lutter contre cette tendance car la sélection fait partie du rôle de l’enseignant mais il insiste sur le fait que ce rôle est secondaire par rapport à sa mission principale : «apporter le plus possible de connaissances au plus possible de personnes ».
Cette lecture m’a donné à réfléchir car j’étais persuadée d’échapper à cette dérive : j’utilise volontiers toute l’étendue de l’échelle de notation (pour l’instant les notes que j’ai attribuées s’étalent entre 2/20 et 20/20) et ma moyenne générale est souvent assez élevée (de l’ordre de 12 ou 13/20). Et pourtant ... En y réfléchissant bien, moi non plus je ne peux pas m’empêcher d’ajuster mon barème de façon à remonter des notes trop basses ou à rendre plus « raisonnables » des notes trop élevées.
J’ai alors réfléchi aux moyens de lutter contre cette tendance et j’en suis arrivée à la conclusion suivante : si je me sens obligée d’ajuster mon barème, c’est que je n’ai pas confiance dans la justesse de mon évaluation. En effet, il m’arrive souvent de rédiger les sujets de devoirs dans l’urgence.
J’ai donc pris la résolution suivante : apporter beaucoup de soin et de rigueur à l’élaboration de mes sujets d’évaluation, en définissant de façon précise les critères de réussite attendus. Puis ensuite, rester fidèle à ces critères lors de la correction :
- si les notes sont élevées : m’en réjouir plutôt que de m’en inquiéter,
- si les notes sont basses : organiser une remédiation suivie d’un contrôle de rattrapage plutôt que de trafiquer le barème.